précédent sommaire bas

suivant

III. L'INDUSTRIE ET LES SERVICES PUBLICS

 

Les réalisations industrielles (1)

Selon le dernier recensement qui précéda la guerre civile et la révolution, l'Espagne comptait 1.900.000 personnes employées dans les industries, sur 24.000.000 d'habitants.

En premier lieu, nous trouvons 300.000 salariés au poste "Industrie du vêtement", mais il faut retenir que le nombre des femmes y est plus élevé que celui des hommes.

Le deuxième poste était celui de l'industrie textile, qui exportait beaucoup de tissus, même à l'Angleterre. Il comptait aussi quelque 300.000 ouvriers et ouvrières. Mais dans le nombre de ces dernières figuraient celles employées à la fabrication de lingerie.

La troisième industrie était celle du bâtiment. On y comptait 270.000 hommes exerçant les métiers les plus divers propres à la construction. La quatrième était celle de l'alimentation : conserverie, salaisons, fabrication de produits d'épicerie, avec 200.000 personnes. Nous trouvons ensuite 150.000 Ouvriers au poste "Chasse et pêche", naturellement beaucoup plus réservé à la pêche qu'à la chasse.

Et c'est alors seulement que nous entrons dans la production de base, celle qui, pour les nations modernes, est constituée par ce qu'on appelle avec raison les industries-clefs : l'industrie d'extraction d'une part, avec 100.000 mineurs, et l'industrie métallurgique avec 120.000 travailleurs.

Si donc l'industrie espagnole n'était pas importante par rapport aux pays plus avancés, on ne peut dire qu'elle était inexistante, d'autant plus que ce total approximatif de 1.900.000 personnes doit se comparer avec l'ensemble de 24.000.000 d'habitants, et non de 40.000.000 si par exemple il s'agissait de la France à la même époque. Et quoique la population vivant de l'agriculture l'emportait largement, ce serait une erreur de jauger les possibilités de socialisation révolutionnaire d'après les seules activités paysannes.

Ajoutons à ces chiffres de base que, comme nous l'avons déjà dit, 70 % de l'industrie étaient concentrés en Catalogne où les abondantes chutes d'eau pyrénéennes avaient, depuis longtemps, facilité la captation de force motrice, tandis que le contact avec la France, et l'ouverture sur la Méditerranée, vers l'Italie, l'Afrique du Nord, et même l'Amérique du Sud en contournant Gibraltar favorisaient l'expansion commerciale, l'introduction de matières premières et l'exportation de certains produits finis. Ainsi, l'industrie textile, qui mobilisait le plus de capitaux, put se développer grâce au coton importé des Etats-Unis, du Brésil et d'Egypte, tandis que la laine arrivait de la Manche et autres régions espagnoles où les difficultés naturelles de l'agriculture et la maigreur de la production des steppes qui couvraient une partie de l'Espagne obligeaient les paysans a se spécialiser dans l'élevage du mouton.

Complétons cette brève énumération en enregistrant 60.000 travailleurs au poste "Moyens de transport, appareils de transmission et entreprises d'électricité", et, pour finir, 40.000 autres travailleurs employés dans 4.000 petites fabriques de produits chimiques dont l'existence montrait une tendance à la modernisation de l'économie générale.

En résumé, d'après les statistiques officielles, les industries absorbaient, au moment où éclata la guerre civile et commença la révolution, de 22 à 23 % des "personnes actives", l'agriculture 52 %, et ce qu'on appelle le secteur tertiaire qui, en Espagne, et à cette époque, comptait une grande partie de personnel domestique, à peu près 25 % (2).

Comme on le comprendra, cette structure économique a influencé les réalisations constructives de la Révolution espagnole, comme a influencé, à un certain stade, le manque de matières premières, ou d'énergie, l'épuisement des réserves de coton (qui n'arrivait plus de l'étranger à cause du blocus des côtes), ou de laine, qui ne venait plus de la Manche, en grande partie aux mains de Franco, ou coupée de la Catalogne.

Enfin - et cela suffirait à nous montrer l'importance de certaines difficultés économiques dont trop souvent on s'aperçoit un peu tard (3) - l'industrie du bâtiment, qui occupait à Barcelone quelque 40.000 travailleurs, se paralysa du jour au lendemain, car, dans toute période de crise, le bâtiment est ce qui s'arrête le plus vite, les propriétaires disparaissant ou n'engageant plus leur argent soit pour faire construire de nouveaux immeubles, soit pour faire réparer ceux qu'ils possèdent déjà.

*

C'est au congrès de Madrid (appelé congrès de la Comedia, ou du théâtre de la Comedia), qu'en 1919 la C.N.T., fondée en 1910, avait décidé de renoncer pour toute l'Espagne aux Syndicats traditionnels de métiers et aux fédérations également de métiers, filles de la Première Internationale que Bakounine avait recommandées et dont il préconisait l'extension, pour la reconstruction de l'Europe entière. Cette première structure d'organisation ouvrière, que l'on trouve encore dans bon nombre de pays, ne répondait plus, selon les militants syndicalistes libertaires, à l'évolution des structures du capitalisme qui imposaient de plus grandes concentrations de combat. Mais aussi, car ce but n'a jamais été oublié, et allait de pair avec la lutte de classes dans la société capitaliste, il s'agissait de mieux préparer l'organisation sociale de l'avenir. Les luttes intercorporatives, dont le Moyen Age et la Renaissance ont donné de si lamentables exemples, ne répondaient pas à l'esprit de nos militants espagnols pour qui le fédéralisme a toujours été synonyme d'association et de solidarité pratique. Les choses ainsi considérées, sur le terrain syndical et du travail, un terrassier, un géomètre, un maçon, un briqueteur, un cimentier, un plâtrier, un manœuvre, un architecte, un plombier, un zingueur, un poseur de fil électrique collaboraient et participaient à la construction d'un immeuble ou de maisons d'habitation. Il était donc logique et nécessaire de les trouver unis dans un même syndicat.

De même l'impression d'un livre ou d'un journal, depuis la fabrication du papier jusqu'à la sortie des presses ou des rotatives, ou la construction d'une chaudière, depuis la fabrication de la tôle jusqu'au calfatage demandent une série d'opérations exercées par différents métiers, tous solidaires. Le problème était d'unir tous ces métiers, convergents dans le double but que nous avons exposé.

Mais cette union ne devait pas s'établir sans méthode et en ignorant la pratique de la liberté. Au fond, un Syndicat était une fédération de métiers, et de travailleurs de métiers divers ; chacun de ces métiers constituait une section technique, et toutes ces sections étaient interdépendantes (4). Dans l'immédiat, quand une d'entre elles engageait le combat, les autres l'appuyaient solidairement, ce qui permettait de mieux assurer la victoire. Le Syndicat d'industrie en même temps qu'il augmentait formidablement la capacité de combat des organisations ouvrières préparait mieux le cadre économique d'une société socialisée.

L'acceptation des fédérations d'industries, complément logique de la constitution des Syndicats d'industrie, comme les fédérations de métiers étaient le complément des syndicats de métiers, se heurta à l'opposition de la "gauche anarchiste", incompréhensive et démagogique; à quoi s'ajouta la désorganisation causée par de trop nombreuses grèves locales ou générales, des tentatives insurrectionnelles, des boycottages, des répressions, et aussi, reconnaissons-le, le manque de militants techniquement préparés pour mener à bien cette tâche complémentaire (5). Toutefois, les grandes lignes avaient été tracées dans les congrès, dont une résolution votée à celui de 1936 englobait dans dix-huit fédérations d'industries toutes les activités de production et les services du pays. Ces fédérations étaient les suivantes : métallurgie et sidérurgie ; industrie textile ; industrie chimique ; pétrole et ses dérivés ; eau, gaz et électricité ; transport terrestre et maritime ; services sanitaires ; enseignement ; spectacle (théâtre, cinéma, etc.) ; travail du bois ; production de tabac ; services sanitaires ; agriculture ; services bancaires et financiers ; bâtiment ; mines ; technique en général.

Plus tard, en 1938, le Plénum économique de Valence apporta des modifications causées en partie par la guerre dans une situation devenue très complexe, à cause des rapports souvent si difficiles avec les formations politiques. Les fédérations d'industrie - mais qui souvent débordent le cadre qu'on leur assigne et ne sont plus que des appellations génériques d'industrie seront au nombre de quinze.

*

Avant de décrire les réalisations constructives de caractère industriel, œuvre des syndicats, et que pour cette raison nous appelons de préférence "syndicalisations" comme nous les avons appelées en Espagne même à l'époque, ajoutons quelques précisions supplémentaires. Ce qu'on a appelé "collectivités" et "collectivisations" dans les régions agraires n'a été, en somme, sous des formes diverses et toujours voisines, que ce qu'auparavant on appelait socialisation. Mais socialisation véritable. 

Comme nous l'avons montré, collectivités et collectivisations embrassaient alors l'ensemble solidaire des habitants de chaque village, de chaque commune, ou de chaque collectivité fragmentaire organisée par ceux qui l'intégraient. On n'y trouvait pas de différence de niveau de vie ou de rétribution, pas d'intérêts divergents de groupes plus ou moins séparés. La grande loi était celle de l'égalité et de la fraternité, dans les faits et au bénéfice égal de tous.

Mais dans ce qu'on a appelé les collectivisations industrielles, surtout dans les grandes villes, et comme conséquences des facteurs contradictoires et d'opposition nés de la coexistence de courants sociaux émanant de classes sociales diverses, les choses allèrent différemment. Trop souvent, à Barcelone et à Valence, les travailleurs de chaque entreprise prirent possession de l'usine, de la fabrique, de l'atelier, des machines, des matières premières, et profitant du maintien du système monétaire, et des rapports commerciaux propres au capitalisme, organisèrent la production pour leur compte, vendant à leur profit le produit de leur travail. Le décret de 1936 légalisant les collectivisations ne leur permettait pas davantage, et cela faussait tout au départ.

Il n'y avait donc pas véritable socialisation, mais un néocapitalisme ouvrier, une autogestion à cheval entre le capitalisme et le socialisme, ce qui, nous insistons, ne se serait pas produit si la Révolution avait pu s'accomplir intégralement, sous la direction de nos syndicats. Et lorsque nous étions en pleine guerre, en pleine offensive franquiste en Aragon et vers la Catalogne, en Vieille Castille et vers Madrid, en Andalousie, au Pays Basque et contre les Asturies, nos Syndicats ne pouvaient pas entrer en lutte contre les forces sociales bourgeoises et les partis antifascistes dont le comportement était double, car nous n'avions pas assez de toutes nos forces réunies pour contenir les armées ennemies.

Certains de ceux qui, aujourd'hui, rappellent cette situation déplaisante, furent à l'époque, par leur opposition à nos entreprises de transformation sociale, plus que nous responsables de ces semi-socialisations. Et ils n'ont pas, maintenant, le droit d'accuser.

Cependant, ces insuffisances, que l'auteur dénonçait dès décembre 1936, n'ont pas empêché un fait d'une importance immense : les usines tournèrent, les ateliers, les fabriques produisirent sans patrons, sans capitalistes, sans actionnaires, sans haut personnel directorial ; et nous avons connu des visiteurs, tel le sociologue belge Ernestan, qui devant ces faits constatés sur place, nous disaient plus tard leur émerveillement.

Puis très vite des réactions se produisirent, qui passèrent trop inaperçues. Dans la métallurgie, qui devint l'industrie la plus importante à cause des fabrications de guerre, les choses avaient aussi mal commencé par rapport à la socialisation libertaire intégrale (6). Mais le Syndicat parvint à exercer un contrôle administratif sévère sur la marche des entreprises dont les comités de gestion acceptèrent bientôt une discipline comptable qui renforçait l'esprit et la pratique de socialisation. Le gouvernement catalan réclamait ce contrôle, mais il ne fut possible de l'exercer que grâce au Syndicat qui en voyait, comme lui, la nécessité.

Toujours au Syndicat métallurgique le désir de mieux faire était présent chez les militants souvent débordés par une situation complexe qu'on ne peut imaginer à distance ou à travers le temps. C'est pourquoi le Comité de ce Syndicat chargea l'auteur de ce livre de préparer un plan de syndicalisation de la production métallurgique de Barcelone, plan qui fut accepté à l'unanimité par une assemblée, à laquelle assistaient des milliers de syndiqués. L'auteur n'a pas pu, par la suite, suivre les efforts, suffisants ou insuffisants (le problème de la préparation technique des travailleurs se posait aussi) qui furent faits pour la mise en pratique de ce plan.

Mais d'autres réactions se produisirent, dont celle du Syndicat de l'industrie du bois (ébénistes, menuisiers, charpentiers, et professions annexes) est un exemple. Pour mieux documenter, nous allons reproduire les parties les plus significatives d'un Manifeste publié en date du 25 décembre 1936 et qui montre bien que nos militants avaient conscience de la situation (7).

"Au lieu d'une véritable prise de possession des ateliers, au lieu de donner complète satisfaction au peuple, on oblige les patrons à payer des salaires, on augmente ces salaires et on diminue les heures de travail. Et cela, en pleine guerre !

"Maintenant que le gouvernement de la Généralité (8) s'est emparé de toutes les valeurs monétaires, il admet le paiement de dettes imaginaires (9), et il distribue des sommes si fabuleuses que ceux qui le font se repentiront quand, au moment de rendre des comptes, on verra combien de millions auront été dépensés sans produire, tout en causant à l'économie un tort considérable.

"On a fabriqué un nombre énorme de bureaucrates parasitaires, ce que dans la sphère de ses activités, le Syndicat du Bois s'est efforcé de réduire dans les entreprises.

"Nous nous sommes opposés dès le premier moment à ce gaspillage, et dans la mesure de nos forces nous avons intensifié le rendement de notre industrie. Nous aurions pu, nous aussi, suivre le courant, et tolérer que l'on continue de traire la vache à lait gouvernementale, en tirant de l'argent de la Généralité sur des ateliers non rentables, et en payant des factures hypothétiques qui ne seront pas remboursées par des débiteurs insolvables.

"Parvenus à ce point, nous pensons montrer par des réalisations pratiques notre capacité de producteurs, et à la fois sauver l'économie et éliminer la bourgeoisie avec tous ses rouages d'intermédiaires parasitaires, sa fausse comptabilité et ses prébendes.

"Dans les premiers temps de la Révolution, nous ne pouvions pas collectiviser notre industrie parce que nous voyions, et nous pensions, et nous pensons encore que de nombreuses sections de notre Syndicat devront disparaître. Et aussi parce que, dès le premier moment, il y eut un malentendu entre nous et le monde officiel qui ne voulut pas reconnaître le droit des syndicats (10) ; mais il est bien certain que, si l'on avait agi différemment, on aurait pu, en dépensant beaucoup moins de millions, perfectionner toutes les industries, car nous devons nous efforcer pour qu'en Catalogne et partout, notre industrie nationale se développe ; elle a les moyens de le faire.

"Il faut adapter l'organisation technique aux besoins du moment, et en pensant à l'avenir. Devant les exigences de l'heure, le Syndicat du Bois a voulu non seulement avancer sur la route de la Révolution, mais orienter cette Révolution en s'inspirant de l'intérêt de notre économie, de l'économie du peuple. A cet effet, nous avons groupé tous les petits patrons insolvables, sans moyens d'existence, nous avons pris en charge tous les ateliers microscopiques, ayant un nombre insignifiant de travailleurs, sans parti pris d'organisations syndicales, ne voyant en eux que des ouvriers dont l'inactivité nuisait à l'économie.

"Et grâce à nos ressources et aux cotisations de nos adhérents nous avons organisé des ateliers de la C.N.T., ateliers de deux cents travailleurs et même davantage, comme on n'en vit jamais à Barcelone, et comme il en est bien peu dans le reste de l'Espagne.

"Nous aurions pu, et cela eût été plus facile, collectiviser les ateliers dont l'existence était assurée, mais nous les laissâmes assumer la production jusqu'où cela leur était possible, et nous ne collectivisons que ceux qui connaissent des difficultés économiques réelles.

"Il y a malentendu quand on affirme que nous n'acceptons pas le Décret de Collectivisation. Bien au contraire, nous l'acceptons, mais tout simplement nous l'interprétons de notre point de vue. Ce qui, pour quelques-uns, aurait été logique, eût été l'organisation de grandes coopératives que seules les industries favorisées auraient pu fonder. En échange, ils laisseraient les sans-ressources livrés à leurs difficultés, ce qui revient à créer deux classes : les nouveaux riches et les pauvres de toujours."

Suivant les idées exposées dans ce Manifeste, des assemblées générales furent convoquées, où comme auparavant, les travailleurs vinrent par milliers. On y examina la situation, en finit par décider des mesures de redressement. Bon nombre des plus grands ateliers passèrent sous contrôle syndical, chacun avec son numéro communautaire. L'autorité du Syndicat, c'est-à-dire celle des assemblées dont les décisions étaient sans appel, finit par s'imposer. Là où il y avait excédent de main-d'œuvre, on déplaça une partie des travailleurs vers d'autres entreprises qui fabriquaient des objets utiles dans la situation nouvelle - par exemple des meubles simples au lieu de meubles de luxe. On rationalisa l'emploi des moyens techniques disponibles, et dans la mesure où la situation créée par la guerre le permettait, on revint à l'esprit et aux pratiques du syndicalisme libertaire. De nouvelles constructions d'ensemble germaient dans les esprits, et de ces efforts acharnés à surmonter les difficultés du moment un redressement général n'aurait pas tardé à se produire.

Malgré tout, des réalisations industrielles libertaires n'ont pas manqué, qui, à elles seules, auraient justifié une Révolution (11).


(1) L'auteur très tôt emprisonné en France, n'a pu aller aussi loin qu'il aurait voulu dans ses recherches.

(2) Naturellement, les chiffres ont beaucoup changé depuis. Selon le dernier recensement qui remonte à 1960, la population agricole active représentait 39,70 % ; la population industrielle 33 % ; le secteur dénommé "service", 28 %. Le poste sidérurgique et grande métallurgie comptait, en 1961, 230.000 personnes, la "petite métallurgie", 386.000, le bâtiment, 603.000, l'industrie textile, 335.000. Mais ici aussi, il faut, pour faire des comparaisons, tenir compte de l'augmentation de la population passée de 24.000.000 d'habitants en 1936 à 30.500.000 à la période de recensement (et à 33.000.000 en 1970).

(3) Mais quels révolutionnaires voulant jeter bas la société actuelle et proclamant la nécessité d'en construire une nouvelle se sont jamais préoccupé de ces problèmes ? Marx, lui-même se moquait des "recettes" pour les marmites de la société future. Assez curieusement il n'y a eu que l'école anarchiste, ou libertaire, qui a produit des anticipations plus ou moins sérieuses, selon les cas. Et la préoccupation de l'œuvre constructive à réaliser a été certainement un des facteurs qui a préparé les militants constructeurs dont nous divisons l'œuvre.

(4) Solidarité implique interdépendance, ou n'est qu'un mot. Voici un exemple montrant toute la différence qui existait à ce sujet entre les vieux militants syndicalistes révolutionnaires français et leurs camarades espagnols. En une espèce de table ronde où l'auteur expliquait à des délégués métallurgistes du Creusot que le salaire des métallurgistes était, à Barcelone, le même pour tous les métiers, un de ces délégués déclara qu'il ne pouvait accepter qu'un forgeron se prononce sur son salaire à lui, mécanicien ajusteur. Je lui expliquai que nous dépassions la morale corporatiste ; et que pour nous c'est le droit humain, égal pour tous, qui primait. Le camarade ne fut pas entièrement convaincu.

(5) Dans son livre déjà cité (El proletariado Militante) Anselmo Lorenzo montrait que déjà au temps de la Première Internationale cette absence de militants techniquement préparés constituait un handicap important.

(6) Celle-ci fut certainement gênée parce que, au nom des nécessités de la guerre, Indaleciuo Prieto socialiste de droite, intervint dans l'organisation des industries métallurgiques, et, d'accord avec les communistes placés aux points névralgiques, empêcha un approfondissement de la socialisation syndicale. Voir le chapitre La contre-révolution interne.

(7) Un autre Manifeste dénonçant la déviation des Collectivités et déclarant qu'elles étaient l'opposé du communisme libertaire fut lancé à la même époque par la F.A.I. L'auteur de ces lignes avait été chargé de le rédiger.

(8) Nom officiel du gouvernement catalan.

(9) Il s'agit de dettes, réelles ou supprimées, dont le paiement était réclamées par nombre d'entrepreneurs.

(10) Le décret reconnaissant, et canalisant les collectivités, ne fut publié par le gouvernement catalan que le 24 octobre 1936, trois mois après le début des évènements et devant la mainmise croissante exercée par les travailleurs.

(11) A Valence, les choses se passèrent de même pour l'industrie du bois. Dans la métallurgie, on n'alla pas plus loin qu'à Barcelone pour les raisons auparavant exposées.

précédent sommaire haut

suivant